Chers confrères, chères consœurs,
À l’aube des négociations conventionnelles qui vont s’ouvrir cet automne, je souhaite au nom de l’UNPF partager avec vous quelques convictions sur l’avenir de notre métier.
Premier constat : notre profession résiste et tient bon. Il faut féliciter l’ensemble des équipes officinales de France pour leur engagement sans faille ces 18 derniers mois, qu’il s’agisse entre autres de : rassurer la population, délivrer les masques, effectuer les tests antigéniques, les injections de vaccins, porter les médicaments à domicile, gérer une logistique exceptionnelle tout en assurant les activités habituelles… Beaucoup de personnes qui ne croisent jamais un professionnel de santé ont franchi le seuil d’une pharmacie pendant la pandémie. Plus que jamais, l’officine est pour des millions de Français la première porte d’entrée dans le parcours de soins !
Personne ne contesterait aujourd’hui la chance de disposer de 21 500 pharmacies, intégrées à leur tissu sanitaire et social. Il n’y a pas si longtemps, pourtant, en septembre 2017, la Cour des Comptes jugeait le réseau surdimensionné… Qu’aurait été la gestion de la crise sanitaire avec moitié moins d’officines ? La mise en œuvre du pass sanitaire en plein cœur de l’été aurait-elle-pu se concevoir ? Les pharmaciens ont soutenu et permis la mise en place des mesures sanitaires. Quel gage ont-ils en retour de la pérennité de leurs nouvelles missions ? Quelle sera la durée de la reconnaissance ? Comment se traduira-t-elle dans les décisions à venir?
Deuxièmement, notre profession change. Elle n’a pas attendu la crise pour se transformer, s’impliquer dans la substitution, la préparation des doses à administrer, les entretiens pharmaceutiques… Bien souvent, elle doit faire plus avec moins, composer avec les baisses régulières de tarifs et les déremboursements qui pèsent sur les comptes officinaux en 2020… À quand une reconnaissance véritable du rôle du pharmacien clinique, apte à prescrire, renouveler des ordonnances ou adapter les posologies pour nombre d’affections courantes, assurer la vaccination antigrippale, anti-Covid... Pourquoi ne pas confier au pharmacien la gestion du calendrier vaccinal et des rappels ? Cette évolution clinique de notre métier, défendue par l’UNPF depuis des années, doit se concrétiser et bénéficier à l’ensemble du réseau.
Plusieurs milliers de pharmacies n’ont pas pu prendre part au dépistage et à la vaccination, la plupart par manque de place et de personnel. Les pharmacies des gares, aéroports, centres commerciaux ont subi une perte sèche de fréquentation pendant les confinements. Le tableau global n’est pas celui d’une officine qui s’est enrichie pendant la crise ! Donnons les moyens à toutes les officines d’investir, d’adapter leurs locaux, d’accueillir l’innovation numérique, de développer les compétences de leurs équipes, en somme de tenir pleinement leur rôle dans l’accès aux soins. Parfois seule rescapée dans un village déserté par les commerçants, la pharmacie trie petites ou grandes urgences, assure la continuité des soins, tisse du lien social. Des fonctions indispensables, à défaut d’être toutes rentables L’économie de l’officine post-Covid doit tenir compte de cette hétérogénéité, liée à l’histoire et à la diversité des besoins territoriaux.
Enfin, notre profession doit recruter pour voir l’avenir avec sérénité. Là encore, rien n’est acquis. Les métiers de la pharmacie (titulaires, adjoints, préparateurs, personnel administratif) devraient être attractifs. Rejoindre une pharmacie, c’est participer à une entreprise de santé, évoluer dans un monde d’innovation thérapeutique et diagnostique, être aux avant-postes de l’accès aux soins, accompagner les personnes du plus jeune au plus grand âge, améliorer des parcours de vie… Pourtant, les pharmacies peinent à recruter, faute notamment de pouvoir revaloriser les honoraires comme l’a fait l’hôpital. Il faut comprendre pourquoi une proportion croissante de pharmaciens diplômés se détournent du métier pour lequel ils ont été formés. Il faut trouver comment donner l’envie et les moyens à ces jeunes de rejoindre une profession qui a tant besoin d’eux, de servir la santé des Français qui comptent sur eux.
Ma vision est celle d’une profession unie face à ses challenges, ouverte à l’innovation, conjuguant esprit entrepreneurial et responsabilité de santé publique, exigeante sur les ressources et moyens humains nécessaires à son développement. C’est la vision qui m’anime et que je compte défendre, avec le Bureau de l’UNPF et avec nos partenaires, auprès de nos instances politiques et dans le débat public.