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Promouvoir un exercice libéral et responsable

Audit social : le préalable indispensable à toute reprise d’officine

Reprendre les rênes d’une pharmacie, c’est adopter une patientèle, choisir un lieu, miser sur un potentiel économique. C’est aussi et surtout investir dans une équipe. Effectuer un audit social n’est donc pas une option mais bien une nécessité, tant pour sécuriser la transaction que pour atténuer les conséquences humaines et financières d’un conflit ultérieur. Décryptage.


Si les conflits sociaux semblent l’apanage des grandes entreprises, les petites structures ne sont pas toujours épargnées, étant soumises au même code du travail qui prévoit peu de dispositions tenant compte de la petite taille des entreprises. La pharmacie d’officine peut être le théâtre de situations managériales tendues, ce que confirme le témoignage de certains titulaires. Les risques à la clé sont élevés : une ambiance dégradée, la gestion de situations conflictuelles, de mesures disciplinaires parfois jusqu’au licenciement engendrent des coûts pouvant aller jusqu’à mettre en péril la viabilité d’une structure. 
Autant le titulaire acquéreur pense généralement à réaliser un audit économique de son futur outil de travail, autant il laisse trop souvent de côté l’audit social. Ce dernier consiste à analyser la gestion légale des ressources humaines, faire un bilan de la situation, de la bonne application de la législation, des coûts à anticiper à court ou moyen terme, des risques potentiels dans l’officine qu’il ou elle compte reprendre. L’enjeu : éviter les mauvaises surprises en négociant un prix ou une garantie juste et en mettant en œuvre les actions correctives pour limiter au maximum les risques en matière sociale et de sécurité sociale.

Sensibiliser les titulaires au risque social

« Avec l’UNPF, nous voulons alerter nos consœurs et confrères titulaires sur l’importance de l’audit social. Nous les encourageons à prendre à bras le corps leur rôle de manager bien avant que la transaction ne soit finalisée. Anticiper les conflits plutôt que de les gérer à chaud peut éviter bien des déconvenues », témoigne Vincent Kuntz, pharmacien titulaire d’officine dans le Bas-Rhin et Trésorier de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF).

Lui-même, comme d’autres titulaires, a fait les frais d’une situation sociale devenue explosive. Il y a quelques années, quittant une pharmacie de zone urbaine sensible pour s’installer dans une officine de village en apparence paisible, il découvre une mésentente entre trois salariées, puis se retrouve sommé d’arbitrer un conflit ouvert - en clair, de licencier une salariée à la demande de deux autres. Aucun motif sérieux ne justifiant une telle demande, il refuse. Il s’ensuit des arrêts de travail de longue durée, privant l’officine de la moitié de son effectif au plus fort de la campagne automnale de vaccination Grippe et COVID-19. L’aide demandée à l’inspection du travail et à la médecine du travail ne semble d’aucune utilité puisque les arrêts sont considérés comme étant justifié par accident du travail et les salariées concernées déclarées inaptes, ne laissant d’autre issue que le licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle engendrant le paiement du préavis non effectué et le doublement de l’indemnité de licenciement. Ce coût est d’autant plus élevé lorsque les salariées ont une ancienneté élevée.

Se poser les bonnes questions avant d’investir

L’escalade vers une procédure longue et aux répercussions coûteuses aurait sans doute pu être évitée grâce à une meilleure appréhension du facteur humain, à travers un audit social préalable à l’acquisition. Sa réalisation aurait permis au titulaire de mieux comprendre la situation et de prendre une décision éclairée lors de son acquisition et/ou de se préparer à faire valoir ses droits et protéger ses intérêts.

« Dès le compromis de vente, une lettre de mission doit clairement définir les attentes du vendeur et celles de l’acquéreur. Ce dernier peut tout à fait exiger les résultats d’un audit réalisé par un cabinet expert en droit social, intégrant des recommandations de mesures correctives si des dysfonctionnements sont diagnostiqués », insiste Vincent Kuntz. Des tensions relationnelles ancrées de longue date, une application défaillante des dispositions légales et procédures RH, des fiches de postes absentes ou peu explicites, ou encore un fort taux d’absentéisme font partie des signaux qui doivent alerter le futur acquéreur et le pousser à se poser les bonnes questions quant à son projet professionnel et son investissement. 

En synthèse, l’audit social abordera généralement les points suivants :

  • Le respect des principales dispositions légales en matière de droit social, notamment dans les domaines dans lesquels une régularisation pourrait engendrer des coûts importants comme le temps de travail, le recours aux heures supplémentaires, le paiement des éléments de rémunération obligatoires ;
  • L’état des litiges passés et en cours afin de comprendre quels sont les points de friction au sein de l’entreprise ;
  • La régularité des éléments de paie et des pratiques de rémunération afin d’anticiper les conséquences d’un éventuel contrôle URSSAF ultérieur ;
  • La gestion de la santé et la sécurité des salariés au travail sont-elles bien assurées ? Des maladies/accidents du travail ont-ils été déclarés ?
  • Chaque projet étant unique, des points spécifiques pratiques pourront être ajoutés en fonction de la taille des effectifs ou des types de contrats de travail en place.

S’il peut de prime abord apparaître comme une contrainte supplémentaire, l’audit social est une réelle opportunité pour l’employeur, selon Vincent Kuntz : « Il permet au repreneur d’apprécier la dimension sociale de l’officine et d’en estimer les risques ». Face à des salariés de mieux en mieux informés de leurs droits et possibilités de recours, le pharmacien titulaire ne peut rester en retrait. « Préparer l’audit social avec son conseil permet de prendre une décision éclairée ou de savoir quels seront les actions correctives à mettre en œuvre à la reprise de la structure ». En outre, le facteur social compte parmi les ressorts de la performance. Car de la qualité de vie au travail dépend pour une grande part la qualité des services prodigués aux patients.

Rassurer, fédérer et impliquer

Bien plus qu’une étape procédurière, l’audit social relève donc d’un état d’esprit de nature à inscrire la gestion de l’officine dans une perspective durable. Le temps du manager dans sa tour d’ivoire est révolu, place au management participatif ! Une attitude proactive d’autant plus nécessaire lorsque l’officine se transforme par les nouvelles missions ou l’automatisation de certaines tâches (commandes, aides à la dispensation…). Ces changements peuvent être vécus comme un stress. Y remédier passe notamment par la rédaction de procédures établissant les objectifs à atteindre, le calendrier et les moyens… En résumé : rassurer, fédérer et impliquer. 

Jeudi 7 septembre 2023
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