La promesse de campagne du candidat Macron en 2017 a décidément le dos dur. Introduite de manière facultative pour les antibiotiques en mars 2022, la dispensation à l’unité pourrait devenir obligatoire pour les médicaments en rupture de stock. C’est en tout le cas le projet du Gouvernement, apparemment sourd aux objections que les pharmaciens élèvent depuis des années contre cette idée aussi candide que néfaste. L’expérimentation de DAU menée de 2014 à 2017 n’a montré aucun bénéfice pour l’écologie, l’économie ni l’observance, concluait l’Académie de Pharmacie en 2021. Elle ne résoudra en rien non plus les tensions d’approvisionnement, à moins de considérer que découper des blisters pour stocker quelques pilules d’appoint dans nos tiroirs soit une réponse acceptable et sérieuse à ce problème de fond. Elle est, de fait, inadaptée aux formes liquides (à moins de généraliser le sachet-dose) et inutile lorsque les boîtages respectent la posologie, ce qui est le cas la plupart du temps. Enfin et surtout, la DAU impose aux pharmaciens de bricoler avec le cadre, pourtant bien établi dans notre pays, visant à assurer la dispensation du bon produit au bon patient, sa traçabilité et la garantie de son authenticité via la sérialisation. Autant, la DAU au cas par cas peut être judicieuse, elle est déjà obligatoire à juste titre pour les stupéfiants et autorisée pour les antibiotiques si le pharmacien le juge pertinent. Autant, vouloir la généraliser relève de l’amateurisme ou d’une forme d’inconscience. Le principe même des pénuries impose souvent de recourir à différentes marques pour une même molécule : en dispensant à l’unité des comprimés de marques hétérogènes, comment suivre les éventuels effets secondaires ? S’assurer que la notice imprimée et remise au patient correspond bien au traitement effectivement pris ? Le flou sera total.
Une mesure inapplicable en l’état
Dans les conditions actuelles, l’UNPF juge donc cette mesure inapplicable. Sa réapparition témoigne de l’habitude un peu trop fréquente consistant à se délester d’un problème collectif sur les pharmaciens seuls, déjà plus que mobilisés au quotidien par la conduite de leurs missions historiques et nouvelles. Or l’usage responsable des médicaments, seule vraie réponse à la lutte contre le gaspillage et l’antibiorésistance, repose sur une mobilisation collective : la responsabilisation des patients, la juste prescription et la juste dispensation assortie des conseils d’observance. Les pharmaciens ont des idées. Au lieu de puiser dans le stock des propositions éculées, commencer par nous consulter relèverait du bon sens. Chercher des moyens d’optimiser le bon usage, nous y sommes 100 % favorables. En période de tensions d’approvisionnement, commençons par demander aux médecins de prescrire plusieurs antibiotiques possibles, afin de permettre au pharmacien de dispenser au plus près des quantités disponibles. Rappelons aussi que pour ne pas prescrire des antibiotiques inutiles, la priorité est la réalisation de TROD. Saluons à cet égard la mesure du PLFSS ouvrant la possibilité aux pharmaciens de délivrer un antibiotique en cas de TROD angine ou cystite positif, tout en continuant de dénoncer l’absurdité des pseudo-remèdes contre les pénuries.