En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies destinés à réaliser des statistiques de visites. 

Promouvoir un exercice libéral et responsable

La science des gènes ouvre la voie à la pharmacie de précision

Très complémentaires, la pharmacogénétique et la pharmacogénomique créent des ponts inédits entre la recherche et la pratique. Elles révolutionnent la prise en charge des patients, en permettant d’affiner les stratégies thérapeutiques, le choix des traitements et des justes doses. À ce titre, elles méritent toute l’attention du pharmacien, en appui de son rôle clinique, afin d’accompagner ses patients vers les meilleurs soins possibles. Plongée exploratoire.

Tout patient qui se présente au comptoir y apporte son lot de vécu, ses problèmes de santé passés et actuels mais aussi son patrimoine génétique… Une dimension à ne pas négliger ! Non qu’il s’agisse de se muer en “pharmacogénéticien”, mais plutôt de saisir les traductions pharmacologiques et cliniques des révolutions récentes en matière de science des gènes. Comprendre pour orienter, personnaliser le conseil et guider les patients vers une prise en charge toujours plus efficace et plus sûre !

Une double approche pour l’optimisation des traitements

Bien qu’étroitement liées, pharmacogénétique et pharmacogénomique se concentrent sur des aspects légèrement différents de l'interaction entre les gènes et les médicaments : pharmacodynamie pour la première, stratégie thérapeutique globale pour la seconde. La pharmacogénétique étudie les variations génétiques individuelles et la manière dont certains gènes spécifiques sont impliqués dans le métabolisme, la distribution ou la cible d'un médicament. Ou comment un individu spécifique va-t-il, selon ses particularités génétiques, métaboliser et réagir à un traitement particulier. Une notion clé pour ajuster les doses de médicaments à marge thérapeutique étroite : antipsychotiques, antiarythmiques, antidiabétiques…

La pharmacogénomique s'intéresse quant à elle à l'influence de l'ensemble du génome sur la réponse aux médicaments. Son objectif est de développer des traitements personnalisés, en se basant sur l'analyse du génome complet. Ce profilage génomique aide par exemple à choisir les traitements anticancéreux appropriés. L'analyse des gènes sauvages et des gènes mutants peut en effet révéler des mutations susceptibles de guider la sélection des thérapies ciblées.

La pharmacogénétique ausculte la variabilité génétique interindividuelle pour adapter les doses ou prévenir des effets secondaires. La pharmacogénomique adopte une vision plus large, sondant l'impact global du génome sur la pharmacothérapie, orientant vers des stratégies visant à circonscrire des maladies complexes comme le cancer. Ces deux disciplines hautement complémentaires convergent dans l’aide à la décision clinique. Leur potentiel d’amélioration de la prise en charge globale des patients est immense, à condition que les professionnels de santé soient formés à ces approches.

Quel rôle du pharmacien dans cette révolution ?


Avec de telles avancées scientifiques et cliniques à décoder, la pédagogie a de beaux jours devant elle. Mais comment expliquer ces notions au comptoir sans se perdre dans des discours labyrinthiques ?
Schématiquement, les tests pharmacogénétiques peuvent se décrire comme des moyens d’adapter le traitement à l’ADN. L’ADN, ce code génétique de chaque individu, contient les informations nécessaires au développement et au fonctionnement de son organisme. Mais ce n’est pas tout. Il influence aussi, entre mille autre choses, la manière dont un patient réagira à certains médicaments : anticoagulants, antidépresseurs… La génétique aide à comprendre pourquoi tel médicament fonctionne mieux chez certaines personnes que chez d’autres et comment en limiter les effets secondaires. En résumé : choisir et ajuster le traitement pour en maximiser l’efficacité et en minimiser la toxicité.

Encore plus cryptique, la pharmacogénomique ? Pas si elle est présentée comme une somme de connaissances permettant d’individualiser les traitements de maladies difficiles à traiter, comme les cancers. Choisir la thérapie la plus efficace en fonction des mutations génétiques spécifiques des cellules tumorales, pour in fine améliorer la qualité et l’espérance de vie : vous avez dit médecine personnalisée ?

Le pharmacien peut insister auprès de son patient sur l’importance de la pharmacogénétique ou de la pharmacogénomique dans son traitement et lui préciser que des tests peuvent être réalisés en laboratoire spécialisé. L’évocation des gènes peut effrayer certaines personnes, leur rappelant des concepts plus apparentés à la science-fiction qu’à la médecine. Décrire, c’est dédramatiser, en expliquant le déroulement des prélèvement salivaires ou sanguins, en insistant sur la simplicité et la sécurité des tests, la confidentialité des résultats et les bénéfices à en attendre sur l’amélioration du traitement. Seuls les membres habilités de l’équipe de soins pluridisciplinaires accèderont à ces données via le dossier médical partagé, en vue de personnaliser leurs recommandations et d’éclairer leurs décisions.

Répondre aux objections et préparer le futur


« Oui mais a-t-on du recul sur ces technologies ? » demandent souvent les patients les plus circonspects. La pharmacogénétique, comme branche de la pharmacologie, peut déjà se targuer d’une longue carrière. Le terme a fait son apparition dès 1959 pour décrire l’influence de l’hérédité sur la réponse aux médicaments. Avec sa proche cousine la pharmacogénomique, la discipline a fait des bonds de géants pour transposer la compréhension des prédispositions en aide concrète à la pratique clinique. Bien documentés, les variants des gènes sont couramment utilisés pour guider les traitements en psychiatrie, cardiologie ou oncologie. La recherche se poursuit, de nouveaux variants génétiques apparaissent et enrichissent les bases de données qui, à leur tour, alimentent les décisions cliniques.

Des consortiums scientifiques nationaux ou internationaux fournissent des recommandations basées sur des preuves pour l’utilisation des données pharmacogénétiques. Et dans de nombreux pays se mettent en place des programmes de médecine personnalisée intégrant la pharmacogénomique. Aux États-Unis, le programme All of Us a pour but de séquencer le génome d’un million ou plus de personnes, afin d’accélérer la recherche : connaître les facteurs de risque de certaines maladies, prédire l’efficacité des traitements ou encore identifier les essais cliniques pertinents selon les malades. En Europe, l’initiative 1+ Million Genomes vise à « permettre un accès sécurisé à la génomique et aux données cliniques correspondantes dans toute l’Europe afin d’améliorer la recherche, les soins de santé personnalisés et l’élaboration des politiques en matière de santé ».

Dans le monde entier, des établissements de santé utilisent déjà systématiquement des tests pharmacogénétiques pour les patients traités avec des médicaments à risque élevé d’effets secondaires graves. Des systèmes intelligents alertent le prescripteur voire suggèrent des ajustements de doses ou des alternatives médicamenteuses. Standardiser les tests et les intégrer dans les protocoles pose toutefois d’importants challenges. Les efforts doivent porter tant sur l’accessibilité des tests dans tous les pays, que sur la formation des professionnels de santé et la sensibilisation du public. Mais d’ores et déjà ces avancées, couplées à celles de la biologie fonctionnelle (ou préventive) et de la santé intégrative, ouvrent la voie à des progrès phénoménaux pour une prise en charge à la fois plus globale et plus individualisée de chaque personne.

 

Jeudi 12 septembre 2024
Inscription à la newsletter
Je m'abonne
Adhérez / renouvelez votre adhésion
de votre soutien dépendent nos actions