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Promouvoir un exercice libéral et responsable

NOUVELLE FISCALITÉ : FAUT-IL RESTER EN SEL ?

Quand l’administration fiscale s’empare de la jurisprudence pour empiler de nouvelles obligations, les libéraux trinquent. Depuis début 2024, une nouvelle disposition1 impose aux pharmaciens associés de sociétés d’exercice libéral (SEL) de déclarer leurs rémunérations techniques en « bénéfices non commerciaux » (BNC). Une complexité inutile et génératrice de surcoûts, déplore Olivier Delétoille, expert-comptable associé du cabinet AdequA.

Concrètement, que change pour les associés de SEL le nouveau régime de taxation de leur rémunération en vigueur depuis le 1er janvier 2024 ?


Olivier Delétoille : La jurisprudence a estimé que certains chirurgiens-dentistes avaient exagéré sur l’optimisation de leurs revenus, en mixant rémunération et dividendes de SEL. L’administration s’est saisie de cette jurisprudence liée à un cas particulier pour édicter de nouvelles recommandations contraignantes s’appliquant à tous les libéraux exerçant en SEL, dont les pharmaciens. Désormais, les rémunérations techniques des associés de SEL doivent être déclarées non plus en tant que traitements et salaires, mais dans la catégorie un peu fourre-tout des bénéfices non commerciaux (BNC).

En quoi est-ce pénalisant ?
O.D. : En plus de la déclaration fiscale liée à sa SEL, le contribuable doit faire une déclaration BNC, ce qui complexifie énormément sa tâche administrative. Cela génère également un surcroît de frais comptables, des risques d’erreur et probablement la nécessité d’ouvrir un compte bancaire dédié. Une majorité d’officines sont exploitées en SEL, ce sont donc des milliers de déclarations supplémentaires qui vont engorger l’administration fiscale. On est très loin du choc de simplification !
Au passage, du fait de ce changement de catégorie, les pharmaciens qui exercent en SEL ne bénéficieront plus, pour le calcul de leur impôt sur le revenu, de l’abattement de 10% pour frais professionnels – lequel devrait en revanche perdurer pour les gérants de SARL et les présidents de SAS. C’est une situation totalement injuste !

Au vu de ces nouveaux éléments, que recommandez-vous aux pharmaciens déjà installés en SEL ou sur le point de s’installer ?

O.D. : Pour les pharmaciens déjà installés en SEL, la question d’un changement de statut peut effectivement se poser si cette mesure devait perdurer. Le choix n’est toutefois pas aussi libre pour les pharmaciens que pour d’autres professions. En effet, la SEL s’impose aux officinaux lorsqu’ils souhaitent ouvrir le capital de leur officine à une SPFPL ou à un pharmacien investisseur, ou détenir eux-mêmes des participations dans une autre SEL. En revanche pour un pharmacien actuellement en SEL (SELARL ou SELAS) mais n’ayant pas de projet capitalistique comme ceux évoqués précédemment, je préconiserais la transformation de sa structure en EURL ou SARL. Même si cela génère des frais juridiques, au moins il maintiendra son abattement de 10%, qui peut représenter une somme assez importante à titre personnel : de l’ordre de 2 400 euros pour une rémunération de 60 000 euros se situant dans la tranche à 40%2.
Pour un pharmacien sur le point de s’installer, seul ou en association avec un autre titulaire, et en l’absence de projet d’investissement entrant ou sortant, le choix d’une EURL ou SARL prévaudra également à mon sens, pour les mêmes raisons.

Un retrait pur et simple de cette disposition est-il souhaitable ?

O.D. : En général, l’administration et le Gouvernement font preuve de bonne volonté pour simplifier la vie des petites et moyennes entreprises. Beaucoup de mesures prises ces trente dernières années en témoignent : « choc de simplification », plan d’action de 50 mesures présentées en avril 2024… Mais en dépit des compétences indiscutables de ses agents, il arrive que l’administration prenne le pas sur la bonne volonté politique et se fourvoie, avec des dispositions inutilement complexes, qui n’atteignent pas du tout l’objectif visé. C’est à mon avis le cas avec cette nouvelle contrainte, qui ne sert ni l’intérêt des entreprises ni celui de l’administration elle-même. Son retrait irait dans le bon sens, en remettant tous les contribuables sur un pied d’égalité.
 
À savoir : En 2022, 69% des officines étaient exploitées en sociétés d’exercice libéral (SEL) selon l’Ordre des Pharmaciens, soit une augmentation de 4 points par rapport à 2023
 

1 https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/14084-PGP.html/identifiant%3DBOI-RES-BNC-000136-20231227
2 10% de 60 000 € = 6 000€ ; 40% de 6 000€ = 2 400€.
3 https://www.ordre.pharmacien.fr/les-communications/focus-sur/les-communiques-de-presse/demographie-des-pharmaciens-au-1er-janvier-2023-inverser-la-tendance-de-fragilisation

Vendredi 5 juillet 2024
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