Pharmaciens, si le moment était venu de « ramener votre science » ?
C’est le moment pour le pharmacien d’affirmer sa mission clinique et scientifique de proximité.
C’est vrai, la crise ne vous a pas épargnés et la fatigue se fait ressentir. Mais si ces deux années hors norme avaient posé les bases du nouveau métier officinal ? La relation patient sort positivement et durablement renforcée. C’est le moment pour le pharmacien d’affirmer sa mission clinique et scientifique de proximité.
La période que nous vivons est exténuante mais pourrait bien jouer un rôle charnière dans l’évolution de notre profession. Dans le pire s’élabore parfois le meilleur. Des millions
de Français en demande croissante de prévention franchissent chaque jour le seuil d’une officine, y compris des non-malades, demandeurs d’un dépistage ou d’un conseil.
Le pharmacien, un passeur de « real news »
Les discussions de comptoir se sont teintées en deux ans d’une dimension plus grave mais aussi plus qualitative. Nous avons décrypté le virus et ses variants, démystifié les injections vaccinales, rétabli la raison par-delà les ouï-dire, avec la bienveillance et le non-jugement que seule permet une connaissance étroite de nos quartiers et de leurs habitants. Nous avons aussi la capacité, aujourd’hui et demain, d’aider ces personnes à ne pas tomber malades et à avoir une bonne hygiène de vie, ou à prévenir les complications lorsqu’elles souffrent d’affections chroniques. Ne laissons pas passer les occasions d’adopter cette posture active, de répondre aux objections de nos patients, de creuser les interrogations qui parfois minent le bon usage. Ce temps passé est essentiel et tellement complémentaire du temps médical, ressource qui se raréfie.
Le virage de la prévention est l’un des axes forts de la nouvelle convention. Il faudrait y ajouter l’axe prédictif. Investissons autant que nous le pouvons dans les compétences et les technologies qui nous permettront de prendre un temps d’avance dans la santé prédictive, en détectant par exemple les signaux pouvant mener vers un diabète ou d’autres affections qui coûtent autant à la qualité de vie des individus qu’au système de santé. Profitons des marges dégagées pour investir dans l’aménagement de locaux aptes à accueillir les entretiens physiques comme les téléconsultations. Pérennisons enfin notre rôle pivot dans l’écosystème de santé en structurant la coopération avec les autres professionnels de santé, selon des règles du jeu qui doivent être fluides et non des usines à gaz.
Prenons en main notre destin de cliniciens
À nous de prendre à bras le corps ces évolutions et d’en faire notre chance, en exigeant un cadre et une rémunération proportionnés à la valeur de notre contribution au système de santé. Professionnalisme ne peut rimer avec bénévolat. Cette expertise nous est aujourd’hui pleinement reconnue par les Français, qui sont 87 % à faire confiance aux pharmaciens d’officine selon le dernier Observatoire du rapport des Français à la proximité (décembre 2021).
Notre rôle de clinicien s’exerce déjà via le suivi des patients chroniques, les entretiens pharmaceutiques et les bilans partagés de médication entre autres. Il ne demande qu’à s’exprimer plus pleinement encore. C’est une nécessité pour pallier la désertification médicale. Le maillage tient bon, même si - loin s’en faut - toutes les officines n’ont pas bénéficié du bond de marge occasionné par les activités « Covid ». Jamais peut-être l’hétérogénéité du réseau n’a été aussi grande. Ne pas prendre en compte cette réalité exposerait nos futurs dirigeants au risque de ne pas pouvoir, lors de prochaines crises, s’appuyer sur les pharmaciens autant que l’a fait le Gouvernement actuel. Les professionnels de la santé de ville ont maintenu le système à flot. Mais nous ne sommes pas là que pour en combler les failles. Il faut penser plus loin, plus durable.
Il est donc temps de ramener notre science ! D’entériner la mutation d’un comptoir de dispensation à un véritable cabinet pharmaceutique, point d’entrée dans le parcours de santé, en mesure d’offrir à chaque patient ou chaque citoyen soucieux de sa santé une réponse personnalisée. Une mission qui doit englober la pluralité des vaccinations, des dépistages rapides, de tous les outils nécessaires enfin à la conduite de notre mission. Nous avons posé les fondations, il est temps d’édifier la maison.
Christophe Le Gall, Président de l’UNPF
Jeudi 10 février 2022