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Acquisition d’officine : comment réussir son audit social ?

Racheter une officine peut être le projet d’une vie. Mieux vaut ne rien laisser de côté pour une reprise au prix juste et sans déconvenues. Pourtant, l’audit des pratiques sociales et managériales est trop souvent négligé, au profit des seules analyses techniques et financières. Comment remettre le capital humain au cœur de votre projet d’acquisition, pour bien anticiper et bien négocier ? Tome 2 de notre série sur l’audit social avec les conseils de Maître Eléonore Guesnerot, avocate en droit du travail associée au sein du cabinet Mazars, et Maître Laurence Suchet, avocate associée chez Mazars en charge des questions de droit commercial et RGPD.

ARTICLE MIS A JOUR LE 03/01/2024

 

En quelques mots, quel est l’enjeu de l’audit social ?



Me Eléonore Guesnerot : L’acquisition d’une entreprise, comme celle d’une maison, est un projet d’envergure. Il importe de bien comprendre ce que l’on achète pour prendre une décision éclairée et offrir un prix adapté. Or le personnel fait partie intégrante d’une activité professionnelle et contribuera de manière significative au développement de votre chiffre d’affaires. C’est pourquoi, avant toute transaction, un audit social plus ou moins élargi en fonction du nombre de salariés et de leur ancienneté doit être envisagé. Cette démarche permet d’appréhender au plus juste le risque social et les situations litigieuses qui pourraient survenir à la suite de l’opération de rachat.

 

Quel est l’intérêt de confier cette mission à un expert ?



Me E. G. : La gestion de ressources humaines requiert des compétences spécifiques, mais les officines ont rarement une personne dédiée à cette activité en interne. Cette responsabilité incombe donc en général au pharmacien titulaire, qui n’a pas été formé pour cela. Lorsque le cédant quitte l’officine, il emporte avec lui l’historique RH et les relations sociales qu’il a instaurées. Un audit social permettra donc à l’acquéreur de regagner cette visibilité. Confier cet audit à un cabinet d’avocats présente un double avantage : celui d’obtenir un état des lieux des enjeux sociaux afin de négocier un prix juste, mais aussi de solliciter l’historique de la structure, en vue de mettre en place sereinement la politique RH souhaitée.

 

Avant toute reprise, y a-t-il des signaux qui doivent alerter ?



Me E. G. : Parmi les signaux d’alerte, on peut évoquer une application déficiente de la réglementation sociale, une rémunération qui n’évolue pas, un fort taux d’absentéisme, un turnover important ou encore des litiges fréquents. Parfois, certaines situations non conformes aux dispositions légales ont pu être tolérées par les salariés compte tenu de la personnalité de leur responsable mais pourraient devenir un enjeu lors d’un changement de gérance. Il est important de tenter d’anticiper l’existence de telles situations afin d’établir un plan d’action, au besoin avec l’aide du vendeur et son éventuelle garantie financière.

 

Sur quels sujets précisément porte cette “cartographie RH” ?



Me E. G. : Chaque audit social s’adapte à la situation spécifique de la “cible”. Il porte en général sur les éléments essentiels de la politique RH. Premièrement, les informations relatives aux salariés individuellement : rémunérations et contrats de travail. Deuxièmement, les informations liées à la réglementation applicable à l’ensemble du personnel : durée du travail, accords d’entreprise, convention collective et protection sociale. L’audit pourra également s’intéresser aux données liées aux litiges, aux relations avec l’inspection du travail et l’URSSAF, au climat social dans l’entreprise, aux éléments de rémunération notamment variable, au recours à des contrats temporaires, sans négliger le respect de la règlementation applicable en matière de protection des données personnelles, (RGPD, Loi Informatique et Libertés) qui prend une place significative dans l’audit social.
L’examen de ces éléments permettra de déceler d’éventuels risques de rappels de salaires, de contentieux à venir et/ou de sanctions des administrations. Vous pourrez également plus facilement décider de ce que vous souhaitez faire perdurer, ou non, de la politique en place et anticiper les besoins de communication avec l’équipe sur les ajustements éventuels.

 

Pourquoi les sujets RGPD tiennent-ils une place croissante dans l’audit social ?



Me Laurence Suchet : Le pharmacien reçoit des informations concernant ses patients, ses fournisseurs mais également son personnel, que ce soit pour des formalités d’embauche, la mise à disposition des outils informatiques, la gestion des formations ou la paie. Ces données personnelles nécessitent une gestion et une protection rigoureuse. Les salariés doivent être correctement informés de la manière dont leurs données sont utilisées et avoir donné leur consentement lorsqu’il est requis. Les non-conformités peuvent entraîner des risques juridiques et financiers significatifs et donc impacter la valeur de l’opération et de l’officine post-acquisition.

 

Quelles sont les modalités pratiques d’un audit social (temps, étapes, coût…) ?



Me E. G. : En général, le professionnel s’adapte au calendrier de l’opération qui dépend du contexte et des éventuels concurrents sur le rachat. Après la définition des éléments à analyser, vient le temps de leur mise à disposition par le cédant : une étape cruciale, témoignant de sa volonté de transparence. Il s’ensuit une session de questions-réponses avec le management à propos des pratiques sociales. L’analyse est retranscrite dans un rapport qui mentionne l’évaluation du risque ainsi que son occurrence afin de ne pas être alarmiste sans raison. Quant aux coûts, ils varient en fonction du nombre de salariés, des items examinés et de l’étendue de l’analyse sollicitée.

 

Comment incorporer les aspirations des jeunes générations dans les politiques RH ?



Me E. G. : Il paraît essentiel de proposer des politiques RH en phase avec les attentes de jeunes générations afin d’attirer les talents. Par exemple, cela peut consister à proposer une offre de produits de parapharmacie respectueux de l’environnement ou les associer à une gestion des déchets plus vertueuse. La gestion des plannings devra également faire l’objet d’une attention particulière afin de prendre en compte les contraintes personnelles des salariés et qu’ils puissent se sentir bien dans leur environnement de travail, ce qui va au-delà du respect des dispositions légales et conventionnelle en matière sociale. N’oublions pas que même les entreprises de petite taille ont la possibilité de conclure des accords d’entreprise portant notamment sur l’organisation du temps de travail.

 

Quels autres aspects parfois négligés concourent à la réussite d’une acquisition ?



Me L. S. : Il est important de vérifier les accords commerciaux en place, par exemple ceux relatifs à l’approvisionnement des produits cosmétiques. Ces accords peuvent en effet être engageants sur plusieurs années et sur des quantités d’achats significatives. Un pharmacien qui rachète une officine peut avoir à cœur de commercialiser des produits qui lui correspondent et des accords existants peuvent être un frein à cette mise en place. Afin de couvrir les différents aspects de l’audit, se rapprocher d’un cabinet pluridisciplinaire représente un atout. Cela permet de n’avoir qu’un interlocuteur pour toutes les opérations d’audit, chef de file d’une équipe spécialisée pour effectuer toutes les vérifications préalables.

Vendredi 8 décembre 2023
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