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Baisse de rentabilité annoncée pour l’officine : comment s’y préparer ?

Dopée pendant deux ans par les activités « Covid », l’économie de l’officine commence à dégriser. L’année 2022 fait encore exception selon les chiffres du cabinet AdéquA* avec une activité globale en hausse de 9% et des niveaux de marge et de rentabilité exceptionnels. Dernier coup d’éclat avant le retour prévu à une rentabilité « normale » en 2023 et 2024, proche de celle de 2019. Un rééquilibrage qui, conjugué au fait nouveau de l’inflation et à la hausse des charges d’exploitation, inquiète. Olivier Delétoille, Expert-comptable au cabinet AdéquA et commissaire aux comptes, appelle à être lucide sur le constat pour mieux se préparer et rester optimiste.

Maintenant que le surcroît d’activité lié à la Covid retombe, comment la rentabilité de l’officine va-t-elle évoluer ?

 
Olivier Delétoille : La rentabilité moyenne de l’officine va mécaniquement revenir à un niveau normal. En effet, plusieurs facteurs se cumulent : la fin de la “manne” Covid, la non-revalorisation des tranches de Marge Dégressive Lissée (MDL) et des honoraires, la hausse des frais de personnel, mais aussi l’augmentation des prix d’achats des médicaments et des frais généraux. Sans oublier les problèmes d’approvisionnement, qui affectent les volumes de ventes. Avoir objectivement conscience de ce contexte est déjà un pas vers la recherche de solutions !
 

Beaucoup d’officines ont accru leur masse salariale pour faire face à la pandémie, ce qui va peser sur leurs comptes. Que solutions s’ouvrent à elles ?

 
O.D. : Les pharmaciens d’officine peuvent amortir la perte de rentabilité en prenant des décisions opérationnelles ou structurelles.
Sur le plan opérationnel et à court terme tout d’abord : certaines officines se sont “sur-staffées” en réaction aux besoins de la crise sanitaire qui a impacté leur quotidien durant trois ans. Il est désormais possible soit d’adapter la voilure, soit d’affecter le personnel supplémentaire à de nouvelles missions, quitte à en profiter pour améliorer et élargir les offres de services. À l’inverse, en cas de pénurie de personnel, les pharmaciens peuvent s’interroger légitimement sur le raccourcissement de certaines offres de services jugées peu efficientes - comme l’extension de l’amplitude horaire - ou la revalorisation de prestations - dans le suivi des EHPAD par exemple. Enfin, certaines pharmacies pour lesquelles les produits non remboursables représentent une part importante de l’activité, seront sans doute contraintes d’augmenter leurs prix de manière significative.
 

Et sur le plan structurel, quelles sont les mesures possibles ?

 
O.D. : Les pharmaciens remettent sur l’ouvrage les réflexions et actions stratégiques qu’ils avaient mises entre parenthèses depuis mars 2020, à savoir par exemple les regroupements ou les organisations en grappes d’officines partenaires. Plus les conditions sont difficiles et plus coopérer devient vital. Au fond, le challenge pour la profession consiste à travailler différemment, en répondant aux attentes des patients avec une rentabilité qui n’augmentera pas, en tout cas pas à court et moyen terme.
 

Peut-on craindre que l’équilibre économique d’une partie du réseau soit clairement menacé ?

 
O.D. : Disons-le clairement, la période Covid a sauvé économiquement des officines. Les dépôts de bilan sont rares. Cependant, les pharmacies structurellement peu rentables ou surendettées, sans actions correctrices, vont rapidement retrouver les mêmes difficultés à rembourser leurs emprunts ou à investir.
Dans tous les cas, il apparaît incontournable pour toutes les officines d’établir leurs prévisions de marges, de rentabilité et financières. D’autant que l’intermède de la crise sanitaire, le retour de l’inflation, la flambée des coûts salariaux et la hausse des taux d’intérêt pour les pharmaciens récemment installés ont fait perdre les repères. Cette accoutumance à la prospective ne doit pas être occasionnelle, mais au minimum annuelle.
Pour autant l’économie de l’officine n’est pas menacée, elle poursuit sa mutation et de vraies opportunités dans cet environnement évolutif se présenteront.
 

Les nouvelles missions représentent-elles une opportunité de compenser la perte des activités « Covid » ?

 
O.D. : Non, il est inutile de regarder en arrière et d’imaginer un instant une compensation, car elle sera insignifiante.
 

Mieux vaut donc se préparer au nouveau paradigme qui se dessine pour l’économie officinale ?

 
O.D. : Tout à fait. La supériorité de la rentabilité sur l’inflation n’est plus acquise. Le contexte financier, l’instabilité géopolitique et les tensions d’approvisionnement incitent les acquéreurs à la prudence. Cela va peut-être conduire à la baisse la valorisation des fonds, alors qu’a contrario un vent spéculatif impacte pour l’instant le marché de la transaction ! Nous allons selon moi vers un rééquilibrage : la rentabilité servira moins à rembourser les emprunts qu’à investir dans l’avenir et l’évolution des compétences.
En pleine crise de la Covid, le pharmacien chef d’entreprise a fait preuve d’un sens managérial et d’une capacité d’adaptation en un temps record. Il entre maintenant dans une période de gestion plus sereine, dans laquelle il peut prendre des décisions stratégiques et opérationnelles en préparation de prochaines crises. Il peut par exemple engager des travaux de rénovation, d’agrandissement ou d’automatisation, initier des actions de formation des équipes, des projets de regroupement, ou encore actualiser ses business plans financiers.
 

Quelles sont selon vous les priorités des négociations sur la rémunération officinale qui s’ouvriront au deuxième semestre 2023 entre les syndicats et l’Assurance maladie ?

 
O.D. : Il appartient aux syndicats de souligner le rôle grandissant des pharmaciens comme acteurs de santé, l’utilité et les compétences qu’ils ont su démontrer au service de la population ces dernières années. En mettant de côté l’esprit corporatiste et en étant force de propositions auprès des pouvoirs publics, ils légitimeront l’indispensable revalorisation des rémunérations de la profession sur les activités remboursables en période d’inflation.
 
* Sur un échantillon de 163 officines.

Vendredi 24 mars 2023
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