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Promouvoir un exercice libéral et responsable

Élargir la dispensation à l’unité ? Dangereux, Absurde et Utopique

Quand elle est mise à la porte, elle revient par la fenêtre. La dispensation à l’unité (DAU) des médicaments est une obsession résistante et invasive. Promesse du candidat Macron en 2017, facultative depuis 2022 pour les antibiotiques, elle peut désormais devenir obligatoire pour certaines spécialités en cas de rupture.

Début 2025, la Cour des Comptes a ranimé le spectre d’une extension de ce dispositif. Un rapport à paraître à une date inconnue, se propose d’envisager la DAU comme une « source éventuelle d’économies ». Cet espoir évanescent trouve sans doute son origine dans l’expérimentation de DAU pour certains antibiotiques menée de 2014 à 2017 dans 100 officines de quatre régions françaises (dont 25 officines témoins), suggérant selon le ministère de la Santé une diminution de 10 % des comprimés délivrés. Mais l’étude souffrait d’une faiblesse méthodologique majeure, soulevée par l’UNPF à l’époque : le temps pharmacien n’y était pas pris en compte. Or la délivrance à l’unité augmente significativement la charge de de l’équipe officinale, donc le coût en ressources humaines. Elle suppose en effet de déconditionner, marquer les lots, reconditionner, imprimer les lots, etc. Autant de temps prélevé sur celui dévolu au conseil et aux missions de santé publique…

Des risques sanitaires

Le débat semblait clos en avril 2021 : l’Académie de Pharmacie concluait dans un rapport[1] à l’absence d’effets positifs démontrés par l’expérimentation de DAU 2014-2017. Rien sur la protection de l’environnement, rien sur les économies, rien sur l’amélioration de l’observance. La délivrance à l’unité n’est pas seulement inutile, inapplicable (quid des sirops ?) et chronophage, mais aussi et surtout dangereuse sur le plan sanitaire, car elle ne permet pas d’assurer la sécurité de la dispensation. Le conditionnement industriel à la boîte est un élément structurant de la filière française du médicament, plus sûr pour la santé des patients et leur bonne information sur les modalités d’usage et précautions d’emploi. A contrario, la DAU accroît le risque d’erreur, tant de la part du pharmacien que du patient, ce dernier étant susceptible de mélanger ses médicaments. En cas d’allergie ou d’effets secondaires croisés, il sera impossible de rattacher ces réactions à l’un ou l’autre des traitements. Enfin, la DAU s’avère incompatible avec la sérialisation, pourtant censée protéger contre les contrefaçons.

Un mirage anti-ruptures

Calquer ce système anglo-saxon n’a pas de sens dans un pays comme la France, doté d’un maillage de pharmacies assurant à la fois l’authenticité des médicaments délivrés et l’adéquation entre la prescription et les quantités remises aux patients. Et dans leur grande majorité, les conditionnements disponibles sont adaptés aux durées de prescription. La DAU serait-elle alors une arme anti-ruptures ? Utopie. Si des médicaments manquent en boîte, ils manqueront à l’unité. Épargner quelques gélules en prenant des risques pour la sécurité ne vaudra jamais une résolution du problème à sa source.

Remettons la sécurité du patient et l’observance au centre de la réflexion. Contre le gaspillage et l’antibiorésistance, poursuivons et amplifions les mesures qui ont déjà fait leurs preuves : recommandations de bonne pratique visant à prescrire les durées d’antibiothérapies les plus courtes possibles, recours au TROD angine, éducation des patients… Contre les pénuries, en complément des actions menées sur les plans industriel et politique, déployons davantage la préparation magistrale (25% des besoins en amoxicilline couverts pendant l'hiver 2023-24).

Et au lieu de se laisser séduire par le mirage de la DAU, que la France se dote enfin d’un cadre légal et financier pour la préparation des doses à administrée (PDA), particulièrement utile pour sécuriser et tracer la dispensation de médicaments aux aînés polymédiqués. Une PDA normée et sécurisée effectuée par les pharmaciens fait quasiment disparaître le taux d’erreur, diminue les effets iatrogènes et permet de réduire les coûts pour l’Assurance Maladie (moins d’hospitalisations, plus de génériques, moins de médicaments délivrés…)[2].

Pour le bon usage, ce sont des solutions professionnelles qu’il faut bâtir et non des châteaux de cartes.

 



[1] Académie de Pharmacie, La dispensation des médicaments à l’unité à l’officine, 13 avril 2021.
[2] https://www.unpf.eu//phototheque/photos/PDF/PDA.pdf

Vendredi 28 février 2025
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