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Promouvoir un exercice libéral et responsable

Perte de rentabilité, pénuries, baisse de trafic : une réaction s’impose

Les héritiers de Galien n’ont pas reçu pour vocation de jouer les Cassandre. Lorsque la profession alerte, comme depuis des mois, sur les fragilités économiques du réseau officinal, c’est avec une inquiétude fondée et la ferme volonté de trouver des solutions. Les derniers chiffres publiés par le réseau d’experts-comptables CGP début mars devraient achever de convaincre les autorités de la gravité de la situation. Espérons qu’ils mettront fin aux divergences d’analyse économique, minant les négociations conventionnelles entamées depuis maintenant trois mois avec l’Assurance Maladie.

Aux circonvolutions polies des discussions répond le couperet des statistiques ; et celles publiées par CGP sont sans appel. De ces données portant sur 1 832 bilans de pharmacies clôturés entre mars et octobre 2023, retenons trois signaux d’alarme :

• Pour la première fois, la marge brute globale descend en-dessous des 30 %, s’établissant à 29,33 % du chiffre d’affaires contre 32,50 % en 2022, soit une chute de 8,25 % et de 62 400 euros en valeur.

• L’excédent brut d’exploitation (EBE) s’effondre. Plombé par la hausse des charges salariales et externes, il ne représente plus que 10,95 % du chiffre d’affaires, soit 259 100 euros en valeur, du jamais vu depuis 2007-2008. Toutes les officines sont touchées par cette baisse de rentabilité, quelle que soit leur taille, leur emplacement…

• De façon pour la première fois visible, les pénuries de médicaments pénalisent économiquement l’officine, à hauteur d’un point de marge.

Ce ne sont pas les seules ombres au tableau, puisque le trafic en officine recule de 2 %, que les prix de cessions baissent… Même le chiffre d’affaires, artificiellement maintenu par le poids des produits chers, ne progresse plus que de 1,68 % en moyenne et évolue négativement pour les officines de moins de 1,5 million d’euros de CA HT.

Les symboles d’une réanimation nécessaire


S’il fallait des symboles, le passage de la marge sous la barre des 30 % et la chute à moins de 20 000 officines dans le pays en constituent assurément. Mais la pharmacie refuse d’être le symbole passif d’un dépérissement de l’accès aux soins. La profession n’acceptera pas ce délitement silencieux de l’outil de santé exceptionnel que représente (encore) le réseau officinal. Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée de l’Assurance Maladie estimait lors de PharmagoraPlus que 10% des officines sont en difficulté économique. Des aides de 20 000 euros par an pour les officines en territoires fragiles ont été annoncées. Mais c’est de toutes les pharmacies que la France a besoin ! Qu’elles soient petites, grandes, rurales, de quartier, de grandes villes, de centres commerciaux… Tous ces profils sont touchés par la précarisation des marges, associée à un cœur de métier qui ne fait plus vivre.

Ce contexte menace la survie même de nombreuses officines. Il plombe aussi la capacité des entrepreneurs de la pharmacie à investir dans des services essentiels à la population (et dans les équipements notamment numériques associés), qu’ils concernent la prévention, la préparation de molécules en rupture, la téléconsultation, le maintien à domicile, la santé mère-enfant… Autant de missions répondant à des besoins locaux et reflétant les visages divers d’une profession essentielle dans sa globalité. Des subventions périphériques ne suffiront pas à réparer le réseau officinal et à le projeter vers l’avenir. Les chiffres de CGP illustrent bien la nécessité d’une revalorisation globale des honoraires de dispensation, qui représentent près de 60 % de la marge sur les médicaments remboursables et 35 % de la marge brute globale.

La conjoncture est certes difficile. Aux 10 milliards d’euros de réductions des dépenses de l’État annoncées en février s’ajoutent à présent les 50 milliards d’euros d’économies demandés par la Cour des Comptes au Gouvernement sur la période 2025-2027. Que chacun prenne sa part pour absorber l’inflation se conçoit. Mais à force d’absorber, parfois le terrain sature, d’autant qu’évoluant dans une économie contrainte, les pharmaciens n’ont aucune marge pour amortir ces frais supplémentaires. Puisque la logique donnant-donnant semble présider aux négociations conventionnelles en cours, il importe donc de considérer ce que les acteurs de santé donnent déjà au système, avant d’exiger d’autres contreparties. La contribution des pharmaciens à la maîtrise des comptes publics s’illustre déjà à de nombreux niveaux : absorption des baisses de prix régulières sur les médicaments, actions de prévention, triage des petits maux épargnant de nombreux passages aux urgences, substitution, signalement des fausses ordonnances…

Veillons à préserver, ensemble, la vitalité du système de santé… en se gardant des ajustements qui, en affaiblissant un membre, fragilisent tout l’ensemble et ouvrent la porte aux menaces de financiarisation.

Vendredi 15 mars 2024
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