Pharmacien à Nanterre, Olivier Berthélemy défend le principe d’une pharmacie “santé” plus en phase avec les besoins d’une population vieillissante et en quête d’un tiers de confiance médical, à l’heure où les médecins généralistes, débordés, n’ont plus le temps de se consacrer à cette tâche.
À Nanterre (Hauts-de-Seine), Olivier Berthélemy, c’est Captain Pharma. Clin d’œil appuyé aux personnages de Marvel. Est-ce à croire qu’il considère le pharmacien d’aujourd’hui comme un héros ? « N’allons pas jusque-là ! Disons plus simplement que c’est un métier qui a énormément évolué ces dernières années. Et comme je suis gérant depuis trois ans de mon officine, c’était dans l’air du temps de l’appeler ainsi. »
Il est vrai que la profession a connu un cycle évolutif plutôt intense ces dernières années, accentué par la crise sanitaire. « Avec la réalisation des tests antigéniques puis la vaccination contre la Covid-19, nous avons franchi un cap, même si la vaccination contre la grippe avait déjà ouvert le chemin », assure-t-il. Sur la partie “santé”, le pharmacien est perçu différemment par la population.
« Il y autant de pharmacies que de pharmaciens, si l’on y réfléchit bien. Certaines ont fait le choix du discount, de la parapharmacie. D’autres se focalisent sur le service médical. Avec la crise, la population a appris à mieux distinguer cette typologie. Certaines pharmacies ne vaccinent pas, d’autres laissent vendre des produits diététiques prétendument miraculeux à ceux qui y croient. Nous vivons une période de fragmentation de la profession, où chacun fait le choix de sa spécialisation », résume-t-il.
Un rôle de conseil renforcé
À l’heure où les médecins généralistes sont moins nombreux, notamment dans certains déserts médicaux, la sphère d’influence du pharmacien évolue.
« Chez nous, nous préparons et livrons des piluliers, ce qui réclame une attention particulière et un management en interne extrêmement rigoureux. Tous les pharmaciens le savent : sur les piluliers, il n’y a pas droit à l’erreur. Il faut savoir que dans le cas de certaines pathologies graves, l’ordonnance comptabilise parfois une dizaine de médicaments, à prendre impérativement, sans se tromper, au risque de voir sa maladie s’aggraver. Nous pouvons fonctionner à distance, en livrant les piluliers aux personnes dont les déplacements sont très contraints. Un patient handicapé peut aujourd’hui se faire livrer plus facilement des sushis que ses médicaments, ce n’est pas normal… Nous sommes aussi dans la proximité, auprès de personnes qui ont besoin de parler et qui peuvent de moins en moins le faire auprès de leur médecin débordé. »
La relation de confiance se renforce. Le rôle d’orientation, de première digue, s’affirme. « Notre valeur ajoutée ne consiste pas à être un médecin bis mais à contrôler tout ce qui se passe entre l’ordonnance et la bouche du patient. La bonne prise de médicaments reste le socle d’une guérison possible. Si des troubles cognitifs ou de déglutition, par exemple, empêchent la prise de médicaments, notre rôle est de trouver la bonne solution. ».
« Traducteurs » d’ordonnances
Demain se prépare donc aujourd’hui, dans un cadre sanitaire toujours plus exigeant. « La digitalisation, nous y sommes, mais elle va forcément se renforcer. Nous assisterons à l’émergence de pharmacies plus organisées, plus robotisées, pour préparer notamment les piluliers. Nous “traduisons” l’ordonnance du médecin pour le patient. Nous menons ce travail avec les infirmiers et les médecins, dans une démarche d’interprofessionnalité de plus en plus efficace. »
Captain Pharma va donc poursuivre ce travail d’adaptation à une réalité sociale et démographique en perpétuelle évolution, face à laquelle les pharmaciens veulent encore renforcer leur rôle dans la santé.