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Promouvoir un exercice libéral et responsable

Préparation magistrale : « une réponse agile et sécurisée aux ruptures »

Interview d’Éric Myon, secrétaire général de l’UNPF

1. Le gouvernement a récemment communiqué sur une baisse du nombre de ruptures ou risques de rupture signalées à l’ANSM (3 825 en 2024 contre 4 925 en 2023), mais la situation reste tendue à l’officine, qu’en pensez-vous ?
Il faut rappeler l’ampleur catastrophique prise par ce phénomène, de 405 pénuries en 2016 à 2 060 en 2021, pour atteindre près de 5 000 en 2023. De très nombreux produits manquent encore chroniquement à l’appel. Des patients sont exposés au risque de rupture de traitement alors qu’ils souffrent de pathologies cardiaques, de troubles psychotiques, de dépression sévère, de diabète, d’hépatites ou d’autres maladies graves. En réalité, tous les patients en pâtissent, car la disponibilité des équipes officinales est amputée du temps considérable passé à courir après les manquants et les alternatives, soit plus de 10 heures par semaine.
Ces tensions sont multifactorielles et il n’existe pas de solution magique. Ce qui est en revanche inacceptable, c’est le manque d’anticipation et d’information. Les risques de tensions dont les laboratoires pharmaceutiques et les autorités ont connaissance doivent être communiqués immédiatement aux pharmaciens, premiers exposés aux conséquences des ruptures. Afin de faciliter le recours aux alternatives, il est également souhaitable que les médecins prescrivent, lorsque c’est possible, un tiercé de molécules équivalentes pour une affection donnée, je pense aux antibiotiques par exemple.
 
2. Quel rôle joue la préparation magistrale dans la réponse aux tensions d’approvisionnement ?
Le début de l’hiver 2025 a été marqué par une tension majeure sur le marché du médicament français, la rupture de toutes les spécialités à libération prolongée de quétiapine. Une collaboration entre l’ANSM, les parties prenantes institutionnelles et les sous-traitants a permis une nouvelle fois de pallier le premier niveau de rupture, par la mise à disposition de préparations magistrales dans les pharmacies. Début mars 2025, plus de 20 000 traitements à base de quiétapine avaient déjà été produits et délivrés aux comptoirs des officines. Précédemment, en 2023, ce sont 7 millions de gélules d'amoxicilline qui avaient pu être produites. Preuve que la préparation magistrale est une passerelle efficace pour répondre de manière agile et sécurisée aux ruptures. L’expérience acquise lors de la gestion des pénuries de médicaments (amoxicilline, flécaïnide, corticoïdes, quétiapine…) a permis de mettre en place un circuit opérationnel efficace et rapide.
Les pharmaciens sous-traitants de préparations magistrales jouent également un rôle de sentinelle, en remontant à l’ANSM les premières tensions ressenties par les pharmaciens d’officine, facilitant ainsi la coordination entre les acteurs publics et privés.
 
3. De nombreux pharmaciens s’interrogent sur le remboursement des préparations magistrales lors de ruptures, qu’en est-il ?
Il faut distinguer les cas bien spécifiques des autres situations. En cas de rupture ou de tension d’approvisionnement concernant un médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), l’ANSM déclenche une recommandation de prise en charge avec un positionnement thérapeutique clair de la préparation magistrale. C’est le cas du flécaïnide et de la quétiapine. Dans ce cadre, le ministère publie un arrêté fixant le tarif servant de base au remboursement ainsi que le prix de vente au public. Le tarif de vente des préparations est fixé par la Direction de la Sécurité sociale (DSS) et les autorités nous accompagnent dans la communication auprès des prescripteurs et dans la mise en place de plan de posologie si nécessaire.
Mais il est important de noter que l’ANSM ne publie sur son site que les tensions et ruptures qui concernent les MITM. En cas d’indisponibilité d’une spécialité (autre qu’un MITM), remboursée ou pas, la réglementation n’a pas changé (1° de l’Article L5121-1 du CSP) : il est toujours possible de proposer une préparation magistrale, préparée selon une prescription médicale destinée à un malade déterminé « en l’absence de spécialité équivalente disponible » (mention obligatoire sur l’ordonnance). La prise en charge de la préparation se fera selon l’Art R163-1 du CSS, à un taux identique à celui de la spécialité.
 
4. Mais la préparation magistrale n’est pas qu’une réponse aux pénuries…
La préparation magistrale est un levier essentiel de l’approvisionnement du bon traitement au bon patient. Au quotidien, les préparations magistrales et officinales sont d’une très grande utilité pour la personnalisation des soins, en permettant d’ajuster la posologie aux enfants et personnes âgées, d’adapter la forme pharmaceutique à des besoins spécifiques ou encore d’intégrer les potentielles allergies ou intolérances des patients.
Or, le cadre réglementaire ne correspond plus à la réalité des besoins et des pratiques. Autant, faire découvrir la préparation à tous les étudiants en pharmacie est nécessaire, autant l’obligation faite à chaque pharmacie de disposer d’un préparatoire représente une contrainte injustifiée. Un nombre limité de pharmaciens choisit de développer cette activité, qui demande des investissements structurels importants. Il faut fournir un cadre clair et incitatif aux confrères engagés dans cette mission, qui est à la fois valorisante pour l’expertise officinale et garante d’un service essentiel pour les patients. Sa rémunération doit être adaptée et cohérente avec les conditions requises pour la mener dans les meilleures conditions de qualité et de sécurité. Soulignons-le, à chaque fois qu’elle a été mobilisée pour combler le manque de certaines molécules, la préparation magistrale a fourni une solution non seulement cliniquement mais aussi économiquement pertinente, évitant des pertes de chance et des consultations.
 
Merci à Maître Beaux, Céline Dumas et Gurvan Helary pour leurs précieux conseils sur certains points techniques et juridiques.

Vendredi 4 avril 2025
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