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Promouvoir un exercice libéral et responsable

Se battre pour exister : 2024, une année décisive pour l’officine

La profession de pharmacien débute l’année sur le fil du rasoir, dans un état de fragilité qui perdure et s’aggrave. 

Année de tous les dangers ou de toutes les opportunités pour l’officine ? Nous aimerions sincèrement pencher pour la seconde option mais la première est la plus vraisemblable. L’année qui vient de s’écouler devait nous permettre de relever la tête et d’engager, enfin, les négociations conventionnelles sur la reconnaissance économique de notre expertise. Que ces discussions n’aient pu s’ouvrir que le 19 décembre en dit long sur l’empressement de nos autorités à défendre un réseau officinal aussi encensé pendant les heures sombres de la pandémie de Covid-19 que pris de haut dès que la question d’une juste rémunération se pose.
 
« L’Assurance Maladie n’est pas gestionnaire des officines », dégainait le Directeur Général de cette instance en préambule de l’ouverture des négociations. Certes, les pharmaciens d’officine sont des chefs d’entreprise autonomes, mais notre économie demeure largement dépendante des ordonnances, des volumes de médicaments - en particulier génériques - dont les prix sont régulés et du nombre de prescripteurs… Autant d’indicateurs en chute libre, en lien avec la désertification médicale et la volonté du Gouvernement de réduire les volumes – mesure dont il attend 300 millions d’euros d’économies en 2024, en plus du milliard d’euros de baisses de prix sur les produits de santé. Les nouvelles missions sont loin, très loin de compenser cette chute, en dépit des avancées de l’an passé notamment sur la prescription officinale (vaccins, antibiotiques).

 
Ne nous trompons pas de combat !

 
Les négociations ouvertes en toute fin d’année et qui vont occuper une bonne partie du premier trimestre, ne sont pas qu’un round de réévaluation (à l’évidence indispensable) des honoraires de dispensation mais un combat pour la survie du réseau officinal tel que nous le connaissons. Tous les piliers de ce modèle sont aujourd’hui menacés :
 
Le maillage territorial ? Son effritement prédit il y a quinze ans se concrétise malheureusement. De nombreuses petites officines ne s’en sortent plus, confrontées au départ des médecins, à l’effet “ciseaux” de la baisse des marges et de la montée des charges, à la pénurie de main d’œuvre et aux journées à rallonge, aux pénuries sans trève… En 2023, le réseau est passé sous la barre des 20 000 pharmacies, 4 000 de moins qu’en 2012 (Insee). Dans les dix ans qui viennent, 4 000 à 5 000 pharmacies risquent encore de disparaître, 10 000 selon les prévisions les plus funestes. À quel stade de l’hémorragie les pouvoirs publics s’inquiéteront-ils ?
 
Des menaces pèsent aussi sur le monopole de dispensation, autre pilier de l’exercice officinal, garant d’une dispensation sécurisée. Une spécificité française et de quelques rares pays européens, mais pour combien de temps encore ? La vente des masques en grandes surfaces a ouvert une brèche, les GMS et les plateformes de vente en ligne ne manqueront pas une nouvelle occasion de s’y engouffrer et de l’élargir. Déjà, la dispensation exclusive de certains produits de santé est confisquée au réseau officinal : produits de contraste (que les cabinets de radiologie seront autorisés à acheter directement aux laboratoires pharmaceutiques dès le 1er mars 2024), traitement préventif contre la bronchiolite Beyfortus®, dont l’État a préféré gérer l’approvisionnement avec les ratés que l’on sait.
 
Un doute désagréable persiste également sur la volonté réelle de nos dirigeants de faire barrage à la financiarisation de notre secteur. Si le ministre de la Santé démissionnaire a réaffirmé son attachement au principe d’indépendance dans sa lettre de cadrage de l’avenant conventionnel, des travaux récemment engagés par un proche du Président de la République, le député Marc Ferracci (Renaissance), sur une éventuelle déréglementation des pharmacies ranime une inquiétante arlésienne… Ce non-dit cristallise les tentations de certains édiles à faire évoluer le système de santé français vers un modèle à l’anglo-saxonne. Les fonds de pension et Amazon s’en frottent déjà les mains. Après la disparition des biologistes indépendants, au tour des pharmacies ? Si c’est le projet du Gouvernement, que cela soit énoncé clairement. Notre opposition à de tels projets sera ferme et massive.

 
Faire renaître l’espoir

 
Notre profession débute l’année sur le fil du rasoir, dans un état de fragilité qui perdure et s’aggrave. Les échos du marasme et du mal-être, pourtant assourdissants, semblent n’effleurer qu’à peine les oreilles du pouvoir. La résurgence de la dispensation à l’unité dans le PLFSS, en dépit des arguments prouvant clairement son ineptie, est un témoin flagrant de surdité volontaire.
 
Il en faut du courage aujourd’hui à un pharmacien sorti de l’université pour réunir le million d’euro (ou plus) nécessaire à l’acquisition d’une officine et se lancer dans l’aventure (néanmoins toujours passionnante) dans un contexte si incertain. Pourtant, nous voulons être de ceux qui feront renaître l’espoir. Oui, nous voulons souligner l’âpreté du combat qui s’engage pour donner au réseau les moyens de fonctionner. Mais notre détermination dans cette lutte est corrélée à notre motivation, notre foi profonde en ce métier qui depuis des décennies a toujours su évoluer, se réinventer pour répondre aux besoins de la population. Notre profession a su prendre le virage de la pharmacie clinique, d’un conseil et d’un accompagnement de plus en plus personnalisés.
 
C’est avant tout pour les patients que nous défendons une pharmacie de proximité, responsable, protectrice de la santé et de l’environnement. C’est aussi pour les patients que nous devons investir dans une pharmacie moderne, dynamique, innovante dans son management, ouverte à la technologie et plurielle dans ses modalités d’exercice. Cette pluralité est nécessaire pour tenir compte des besoins locaux. Chaque pharmacien doit avoir les moyens d’assurer son cœur de métier mais aussi de cultiver les compétences spécifiques qu’il juge utiles à sa patientèle : entretiens pharmaceutiques, PDA, préparation magistrale, maintien à domicile, micronutrition… C’est à la fois dans cette défense unie de ses intérêts fondamentaux et dans la promotion de cette diversité que la pharmacie deviendra plus attractive, l’autre enjeu majeur – avec l’économie – de 2024.
 
À toutes et tous, je vous présente chaleureusement mes meilleurs vœux pour cette nouvelle année.
 
Christophe Le Gall, président de l’UNPF
 

Vendredi 12 janvier 2024
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