Les tensions d’approvisionnement se suivent et se ressemblent. Hier les corticoïdes, aujourd’hui le paracétamol et l’amoxicilline… et demain ? Le 20 novembre, le ministre de la Santé François Braun annonçait avec optimisme une résolution du problème sous quelques semaines ou mois tout au plus. Que peuvent les pharmaciens sinon s’accrocher à cet espoir ? Tandis qu’un médicament reviendra en rayon, combien d’autres manqueront ? En 2021, l’ANSM a reçu 2 160 signalements de ruptures ou risques de ruptures pour des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (anti-infectieux, médicaments du système nerveux, du système cardiovasculaire…), contre seulement 44 en 2008.
De la rupture de stock à celle de la confiance
Jusqu’à quand devrons-nous subir ? Cet état de fait, nous le savons, est multifactoriel :
une production insuffisante pour répondre à une demande en hausse,
des sites à l’arrêt à la suite d’inspections,
une inflation galopante sur les matières premières, le tout
aggravé par le contexte géopolitique. Les pharmaciens le comprennent mais ne peuvent se résoudre à conduire éternellement sans boussole. À nous revient, en bout de la chaîne de distribution, de recueillir les plaintes des patients inquiets lorsque nous ne pouvons plus délivrer leurs traitements habituels. Ces ruptures logistiques fragilisent le lien de confiance entre les patients et leurs pharmaciens, et plus largement entre les patients et le système de santé.
Préparations : pourquoi personne n’en parle ?
Nous n’avons pas de solution miracle. Nous avons en revanche une compétence historique en matière de
préparation magistrale qui n’est jamais évoquée ni par le ministère, ni par l’Ordre ni par les syndicats lorsqu’il est question de gérer les ruptures. La recommandation des pouvoirs publics aux pharmaciens de privilégier la dispensation à l’unité semble bien dérisoire en comparaison, aussi inefficace contre les gaspillages qu’incapable de répondre à la source aux problématiques d’approvisionnement.
À condition naturellement de disposer des principes actifs en quantité suffisante, et d’une organisation adaptée,
pourquoi les pharmaciens équipés d’un préparatoire ne pourraient-ils pas participer l’effort national pour pallier les ruptures, plutôt que de devoir rester les témoins passifs d’une situation qui leur échappe ? Il est dommage de laisser passer cette opportunité de montrer notre savoir-faire. Cette question mérite plus que jamais d’être abordée, à l’heure où viennent de paraître
de nouvelles règles concernant les bonnes pratiques de préparation, qui entreront en vigueur le 20 septembre 2023.
En théorie, un kilo d’amoxicilline permettrait par exemple de fournir près de 300 traitements pour des enfants de 2 ans.
L’UNPF demande que la possibilité d’une participation plus active des officinaux à la lutte contre les ruptures soit rapidement mise à l’ordre du jour de discussions entre les administrations et les instances représentatives de notre profession. Nous souhaitons également que soit abordée
la question d’une meilleure information préalable des pharmaciens d’officine quant aux produits à risque de tensions d’approvisionnements, avec toutes les précautions nécessaires pour éviter le phénomène de sur-stockage, mais avec le souci de mieux préparer notre réseau à ces situations complexes.
Vendredi 2 décembre 2022