Un avenant pour presque rien : les incertitudes demeurent pour les pharmaciens… Faudra-t-il un nouveau 30 mai ?
Sous les pavés du 30 mai, quelle plage d’espoir pour la santé des officines ? Alors que les médecins viennent d’obtenir de l’Assurance Maladie un investissement de 1,6 milliard d’euros, au terme d’un bras de fer qui a duré un an et demi, rien n’a avancé ou presque pour les pharmaciens. Une réunion à Bercy, le jour même de la grève massive, a certes éloigné le spectre de la dérégulation et appelé à co-construire toute évolution sur la vente en ligne. Les plus gros risques d’atteinte au monopole et à l’indépendance des pharmaciens semblent écartés, du moins pour le moment. Mais si les dangers ne refluaient que pour révéler de nouveaux sables mouvants ? Ne soyons pas dupes, les velléités récurrentes de dérégulation ont la peau dure.
Entretemps, la fragilisation économique du réseau se poursuit. Une fois tous les dix ans, l’ensemble des officines ferment une journée, lorsque la coupe est décidément trop pleine. Mais tous les mois, des officines baissent le rideau, définitivement. Sans réforme économique ambitieuse, toute perspective de bâtir la pharmacie de demain sur du solide n’est que chimère. Sur ce plan, près de six mois de négociations conventionnelles n’ont apporté que faux-semblants et déceptions. Tout commençait par un malentendu sur le diagnostic économique. Le Docteur Cnam se révélait exagérément optimiste, interprétant l’« économie Covid » comme un apport net pour les croix vertes. Comme elles ont occulté l’investissement matériel, humain et moral que cette crise a représenté pour tout le réseau, nos autorités feignent encore d’ignorer l’investissement vital que les pharmaciens doivent consentir sur la durée. L’enjeu : adapter leur outil de travail aux nouvelles missions et former leurs équipes, tout en absorbant les effets de l’inflation, le remboursement d’un emprunt sur 9 à 12 ans, mais aussi la baisse structurelle des volumes de prescription. À quels volumes et quels montant se chiffrera, pour l’officine, la demande faite aux médecins de « déprescrire » ? Personne ne le sait vraiment.
Des perspectives au point mort
Exit un rapport Ferracci qui n’aurait jamais existé, exit les plateformes de e-commerce, nous avons évité le pire. Mais que reste-t-il du cœur de nos revendications ? Aux dernières nouvelles, la Cnam ne proposait de revaloriser que de 220 millions d’euros la rémunération officinale… en 2027, au lieu du milliard d’euros nécessaire pour simplement remettre à flot le réseau. Sauver quelques centaines d’officines du marasme à court terme via les mesures de soutien dans les territoires fragiles, n’épargnera pas des milliers d’autres menacées de fermeture dans les années à venir, faute d’action structurante. Qu’on les considère sous un angle ou sous un autre, les propositions mises sur la table restent largement en deçà des besoins du réseau. Qu’y a-t-il encore dans les propositions de la Cnam ? Une projection de croissance organique de la marge – suspendue à l’absence de baisses de prix ces prochaines années : on aimerait y croire. Quoi d’autre ? Une promesse de remises via la substitution des biosimilaires, mais pour quel montant ? En l’absence d’argent magique, une impulsion forte donnée dès maintenant à une substitution élargie semble le seul moyen de consolider significativement l’économie de l’officine, par un partage vertueux des économies générées. Pourquoi cette mesure ne figure-t-elle pas tout en haut de la liste ?
Enfin, quelles assurances avons-nous pour une sortie de la crise sans fin des pénuries ? Face à tant d’incertitudes et quelle que soit la revalorisation finalement obtenue, l’élan historique du 30 mai doit perdurer. Faisons-nous entendre et faisons-nous respecter, sans attendre la prochaine mobilisation décennale. Les promesses ne paient pas les emprunts. Aux espoirs suscités répond la réalité d’un bilan comptable qui se dégrade, critère déterminant pour les entrepreneurs de santé que nous sommes. Continuons donc de nous battre pour nos patients, pour une rémunération décente, ne nous excusons plus d’exister.
Nous avons su attirer l’attention en fermant le 30 mai. Montrant qu’une officine ouverte peut faire autant de bruit lorsqu’elle refuse de disparaître.
Vendredi 7 juin 2024