À un été historique pour l’officine succède une rentrée aux allures d’épopée. Historique, le mot n’est pas trop fort pour saluer l’élargissement des compétences vaccinales des pharmaciens et l’autorisation de prescrire des antibiotiques contre la cystite et l’angine après la réalisation d’un TROD.
Mais la rentrée des comptoirs s’annonce épique à double titre. Sur le terrain d’abord, pour former en temps record les équipes aux injections et dépistages d’automne, tout en assurant les tâches quotidiennes. Dans les coulisses du PLFSS 2024 ensuite, dont certaines des mesures s’entrecroisent avec les négociations conventionnelles à venir entre pharmaciens et Assurance Maladie. Plus que jamais, notre profession devra faire preuve de vigilance pour détecter et dénoncer les habituels tours de passe-passe, qui d’une main reprennent ce que l’autre a donné.
Or, c’est déjà aux vases communicants que joue la mission "Financement et régulation des produits de santé" dans son rapport rendu le 29 août à la Première Ministre, en proposant de raboter sévèrement les marges génériqueurs pour valoriser les missions de santé publique du pharmacien. Le temps n’est plus au lyrisme mais au pragmatisme. Rendre le pharmacien acteur majeur de la santé publique, au travers de la vaccination, des entretiens de prévention aux âges clés de la vie, du développement des TROD ou encore de la lutte contre la iatrogénie ? Cent fois oui, sous réserve qu’on ne puise pas pour les rémunérer dans d’autres ressources vitales pour l’officine. Il faut le marteler : la dispensation de médicaments est et reste notre cœur de métier et sa juste rémunération le socle économique du réseau.
L’optimisme exagéré de l’Assurance Maladie se félicitant au début de l’été de la bonne santé financière des pharmacies, portée par les nouvelles missions a heureusement été rapidement démenti par l’ensemble des syndicats. Nous avons signalé aux autorités les lames à peine dissimulées qui fragilisent la rentabilité du réseau : l’inflation aggravée par la hausse des charges salariales ainsi que le développement des médicaments chers, bombant artificiellement le chiffre d’affaires des officines tout en sabrant leur marge. Il est temps de dégonfler le beau mirage selon lequel les nouvelles missions seraient l’alpha et l’oméga de la reconnaissance des pharmaciens et le relais de croissance ultime. Passé le pic de vaccination et de dépistage lié au contexte épidémique, la rémunération liée aux nouveaux actes officinaux se réduit à peau de chagrin : à peine 1 % du chiffre d'affaires des pharmacies estiment certains observateurs.
Que cela soit clair : les équipes officinales n’adhéreront pas à des actes au rabais ou financés aux dépens d’autres pans essentiels à la pérennité du réseau. Quel sens y a-t-il à accrocher de jolis tableaux tandis qu’on fragilise les murs porteurs ? La transformation de notre métier rend certes logique la décorrélation progressive entre la rémunération du pharmacien et les prix et volumes de boîtes vendus. Un certain nombre de nouveaux honoraires sont d’ailleurs proposés par les négociateurs pour combler tant bien que mal l’effilochage de la marge réglementée.
Soyons plus ambitieux ! Aux petits arrangements préférons un grand pas, à la mesure du virage en cours vers la pharmacie clinique de proximité. Ne craignons pas de demander la reconnaissance, juridique et financière, d’une véritable consultation pharmaceutique. Celle que nous réalisons déjà par séquences successives, à force de messages répétés au comptoir pour éduquer les patients sur les maladies, leur prévention et leurs traitements. Il n’est pas raisonnable d’envisager des actes pharmaceutiques rémunérés à moins de 15 euros, dès lors que nos compétences et que notre responsabilité sont engagés. Les 30 euros évoqués pour un entretien de prévention de 30 minutes ? C’est un minimum, lorsque la consultation d’un médecin, bien en-deçà de cette durée, est à 26,50 euros.
Si les pharmaciens ne disent pas haut et fort ce qu’ils font et ce que valent leurs actes, qui le fera ? C’est la raison pour laquelle l’UNPF a mis l’accent, au début de l’été, sur ces trop nombreuses missions officinales non rémunérées. Dans le cadre du sondage qui accompagnait cette parution, vous avez été une écrasante majorité de titulaires à nous confirmer que vous effectuez, sans contrepartie, tant la gestion des petites urgences (96%) que les interventions pharmaceutiques sur les ordonnances (95%), l’identification d’alternatives en cas de ruptures (96%) ou encore la détection et signalement d’ordonnances falsifiées (94%) et bien autres actes.
Seulement une fois les fondamentaux assurés, nous pourrons nous projeter avec confiance dans l’élargissement du périmètre de notre activité, embrasser la révolution de l’IA-ceutique pour rendre, grâce aux progrès de l’intelligence artificielle, nos officines plus performantes et le conseil aux patients plus personnalisé. Oui aussi à la réflexion écologique, inséparable des considérations économiques. Repenser la logistique du dernier kilomètre pour les médicaments (autre recommandation de la mission Borne) ? Nous y sommes favorables à condition que la réflexion implique tous les acteurs concernés et s’oriente toujours vers l’intérêt supérieur du patient.
À toutes et tous, bonne rentrée !