IDEE RECUE N°1
Si le chiffre d'affaires va, tout va ?
Le chiffre d’affaires n’est pas synonyme de rentabilité. Oui, les pharmaciens sont parvenus à réaliser à mi-année 2023 un chiffre d’affaires comparable à celui du premier semestre 2022, compensant donc la fin des missions COVID-19. Mais ce transfert s’opère entre des activités rentables et des activités à faible voire zéro marge, comme la dispensation de médicaments chers. Résultat : la marge brute globale est en chute libre de 10,42 % par rapport à l’an dernier. D’autres facteurs aggravent la situation : la fonte des honoraires, liée à une baisse de trafic estimée à plus de 12 % par Fiducial, l’augmentation des coûts d’exploitation qui devrait atteindre 4 % sur l’année, sans compter le milliard d’euros d’économies sur les produits de santé inscrit au PLFSS 2024... Sans revalorisation significative des honoraires, ce délabrement de la rentabilité fait craindre de fortes casses pour le réseau officinal.
IDEE RECUE N°2
Non, les activités COVID-19 n’ont pas fait la fortune de tous les pharmaciens.
Constamment exposées, sommées d’absorber un surcroît inédit d’activité, les équipes officinales sont ressorties épuisées du long combat contre la COVID-19. Avec certes une nouvelle reconnaissance pour la compétence dont elles ont fait preuve. Mais n’y a-t-il pas un cynisme évident à pointer du doigt les revenus exceptionnels touchés par le réseau dans un contexte exceptionnel, que nul ne souhaite revivre ? Il faut rappeler que les officines se sont mobilisées à la demande des pouvoirs publics et qu’elles ont dû fortement investir (en personnel, formation…) pour répondre aux besoins du dépistage et de la vaccination. De plus, toutes les pharmacies n’ont pas “bénéficié” de cet apport transitoire de ressources, réparti de façon hétérogène. Certaines ont particulièrement souffert des confinements, celles situées par exemple dans les gares, les aéroports et les centres commerciaux. D’autres n’ont tout simplement pas eu la possibilité de réaliser les missions COVID-19, par manque de place ou de personnel, entre autres. Ces dernières se retrouvent très affaiblies, à l’heure d’affronter la nouvelle donne de l’économie officinale, caractérisée par un niveau de rentabilité plus bas et une perte de fréquentation.
IDEE RECUE N°3
Non, les nouvelles missions ne représentent pas une manne qui résoudra tous les problèmes de l’officine.
Seuls 45 % des pharmaciens se disent confiants dans la capacité des nouvelles missions à modifier avantageusement le modèle économique de l’officine, selon une enquête Call Medi Call présentée à la dernière Journée de l’économie de l’officine. Qui dit nouvelles missions dit montée en compétences, nouvelle répartition des rôles, réorganisation… Un investissement notable, sans visibilité sur le relais de croissance que constituent ces missions. Leur impact sur les chiffres de l’officine est pour l’instant très marginal. Ce ne sont pas les dispensations à l’unité à 1 euro ni les entretiens pour les femmes enceintes à 5 euros qui redonneront un souffle économique à l’officine. Et en sus des 7,50 euros pour l’injection vaccinale, le pharmacien ne peut facturer que 2,10 euros supplémentaires lorsqu’il prescrit le vaccin. Dérisoire pour un acte qui engage notre responsabilité de professionnel de santé. Un honoraire de 9,60 euros pour l’acte complet de vaccination n’est ni rentable ni juste. Son doublement s’impose comme objectif des syndicats négociateurs de l’avenant économique avec l’Assurance Maladie.
IDEE RECUE N°4
Non, le pharmacien d’officine n’est pas bien rémunéré pour tout ce qu’il fait.
La rémunération moyenne des pharmaciens titulaires (environ 64 000 euros en 2022 selon Fiducial), est trompeuse. Elle recouvre de grandes disparités, selon la localisation, la taille de l’officine ou son statut juridique, avec des écarts pouvant aller du simple au double. De surcroît, un grand nombre d’heures effectuées ne sont tout simplement pas valorisées ! Sur les médicaments à plus de 1 930 euros (de plus en plus nombreux), le pharmacien ne touche aucune marge. Le temps considérable passé à gérer les ruptures d’approvisionnement relève du bénévolat subi, comme les interventions pharmaceutiques sur les ordonnances, la délivrance de conseils ou l’orientation de patients pour des urgences bénignes, ou encore l’identification et le signalement des ordonnances falsifiées. Est-il normal de ne pas valoriser le temps passé à éviter une dispensation inutile ? De ne pas rétribuer des actes qui soulagent les patients tout en évitant d’engorger les services d’urgences et les cabinets médicaux ? Les négociations conventionnelles à venir devront impérativement dissiper le flou juridique et financier autour de ces missions non rémunérées.
IDEE RECUE N°5
Non, l’acte de dispensation n’est pas la simple exécution d’une ordonnance.
Si exécuter une ordonnance était facile et sans risque, six ans d’études ne s’imposeraient pas et les candidats au comptoir seraient certainement plus nombreux. Échanger avec le patient, comprendre son état de santé, lever ses craintes, le convaincre parfois, vérifier les interactions, appeler le médecin en cas de doute, déceler un problème sous-jacent, orienter si besoin vers des soins complémentaires… c’est notre quotidien ! Naturellement, certaines dispensations sont plus simples que d’autres, ce qui justifie une gradation des honoraires. Mais la revalorisation dans leur ensemble de ces honoraires devient une urgence pour maintenir à flot le réseau officinal, terriblement fragilisé par les mesures répétées d’économie sur le médicament et la hausse continue de ses charges. La rémunération du pharmacien ne peut pas dépendre uniquement des volumes et du montant des produits remboursables délivrés, tout le monde en convient, ce qui implique de reconnaître la valeur intrinsèque de l’expertise pharmaceutique, décorrélée de la vente.